HoN – Human Origins in Namibia

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Ces missions dureront plusieurs années, dans le nord-est de la Namibie, à la frontière avec le Botswana, qui partage en une ligne droite parfaite un ensemble de petites collines qui sont le centre des préoccupations du projet : les Aha Hills (les collines Aha). Mais quels sont les objectifs scientifiques de ce projet qui entraîne l’équipe, dirigée par Laurent Bruxelles, aux confins du désert du Kalahari, sauvage et rude ? Quelles sont ces « origines de l’humanité » qui motivent cette expédition ? Pourquoi lancer des recherches dans cette zone vierge alors que les chercheurs se concentrent plus au sud, autour du Craddle of Humankind, richissime gisement d’hominidés anciens, ou sur la côte sud-africaine, aux grottes remplies de vestiges archéologiques de toutes les périodes. Les premières explorations du projet HoN, Human Origins in Namibia, ont débuté fin 2015.

Si l’origine africaine de l’humanité ne fait aujourd’hui plus débat, la localisation du berceau de l’humanité est une question importante à laquelle de nombreuses équipes internationales essaient de répondre. L’Afrique de l’Est, avec la découverte des hominidés les plus anciens et les mieux datés, a fait longtemps office de favori. Si les conditions de conservation ne sont pourtant pas optimales, les possibilités de datation ont rapidement permis d’établir une séquence de référence sur près de quatre millions d’années, couvrant notamment le passage depuis les australopithèques jusqu’à l’Homo habilis, notre ancêtre. En effet, la présence de retombées volcaniques a fourni des repères chronologiques précis permettant de caler chaque étape de cette évolution.

Miss Pless
L’australopithèque Mrs Pless ((c)Marc Jarry).

Depuis plusieurs années, nous travaillons dans un secteur d’Afrique du Sud baptisé en 1999 par l’UNESCO le « Berceau de l’Humanité » (The Cradle of Humankind). Non pas parce que c’est ici que l’on trouve les fossiles les plus anciens, mais plutôt parce qu’ils sont extrêmement nombreux (plus d’un millier, soit un tiers de tous les fossiles d’Hominidés anciens connus à ce jour) et parce qu’ils couvrent une période chronologique clé, entre -1 et -4 millions d’années, au cours de laquelle apparaît Homo habilis. En outre, les fossiles sont d’une qualité de préservation exceptionnelle, certains étant encore complets et en connexion anatomique comme l’australopithèque Little Foot.

Afrique du sud

Cette préservation exceptionnelle est directement liée au milieu dans lequel ces fossiles ont été conservés : les grottes ou karst. Quelle que soit la période prise en compte, le karst a toujours été un milieu conservateur par excellence, que ce soit pour les traces d’occupations préhistoriques, pour les premières formes d’art ou même au cours des périodes historiques. Les cavités ont donc la particularité de pouvoir garder une mémoire quasi-intacte de ce qu’il se passait en surface. La principale difficulté réside ensuite dans la lecture et l’interprétation des remplissages karstiques. C’est là notre spécialité et nos résultats récents montrent tout le potentiel de ces cavités, à la fois pour la connaissance de l’évolution humaine mais aussi pour la compréhension des paléoenvironnements contemporains de cette évolution.

Litlle foot
L’australopithèque Little Foot ((c) Laurent Bruxelles).

Il apparaît donc désormais que l’Afrique du Sud est potentiellement le berceau de l’Humanité, au même titre que l’Afrique de l’Est. Il serait peut-être préférable de dire l’un des berceaux de l’Humanité. En effet, si l’on trouve des vestiges d’Hominidés anciens en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud, c’est surtout parce que les conditions de préservation y sont réunies. Il est fort probable qu’il y avait à l’origine beaucoup d’autres « berceaux » voire même qu’une grande partie de l’Afrique soit le berceau. Aujourd’hui, on ne retrouverait des fossiles que dans les secteurs dont l’histoire géologique et géomorphologique se sont conjuguées pour préserver ces vestiges dans de bonnes conditions. Partout ailleurs, les traces de nos premiers ancêtres ont complètement disparu, soit que les conditions de fossilisation initiales n’étaient pas réunies pour les piéger, soit que l’évolution géomorphologique locale ou régionale en ait effacé les traces.

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Le Berceau de l’Humanité (The Cradle of Humankind, Afrique du Sud) ((c) Marc Jarry).

Ainsi, si l’on considère qu’une grande partie de l’Afrique est le berceau de l’Humanité mais que seuls quelques rares secteurs ont préservé cette information jusqu’à nos jours, la découverte de nouvelles zones fossilifères doit prendre en compte deux paramètres :

– un milieu susceptible d’avoir piégé les fossiles dans les meilleures conditions possibles ;

– un secteur dont l’évolution géomorphologique n’est pas incompatible avec la préservation de formations anciennes dans lesquelles les fossiles seraient susceptibles d’être préservés.

Afrique généraleLe karst étant notre spécialité, et fort des résultats récents de nos travaux dans les grottes sud-africaines, nous avons recherché un autre massif karstique pouvant répondre à ces conditions. Nous sommes ainsi assurés d’avoir un milieu très favorable au piégeage des fossiles mais aussi d’avoir les capacités scientifiques et techniques pour l’étudier et en appréhender son potentiel. Enfin, en préalable à toute reconnaissance de terrain, un travail de bibliographie nous a permis d’identifier des secteurs où des indices de remplissages anciens ont déjà été reconnus (Pickford et Mein 1988, Pickford 1990, Pickford et al. 1994, Senut 1996, Wiliams et al. 2012). Nous avons donc dans cette région le contenant (le karst), un contenu (des remplissages anciens pouvant correspondre à la période chronologique souhaitée) et une équipe interdisciplinaire capable d’étudier tous les aspects scientifiques (géomorphologue/karstologue, paléontologue, géologue, paléoanthropologue, archéologue et topographe spécialiste des Systèmes d’Informations Géographiques-SIG).

Le choix du secteur d’étude

Namibie générale.jpgPlusieurs paramètres ont été pris en compte dans le choix de la zone d’étude. Ainsi, le contexte géologique, l’évolution géomorphologique, la présence d’indices favorables et une quasi-absence de recherches nous ont incités à choisir la partie namibienne des Aha Hills.

Au point de vue géologique, ce secteur est constitué de calcaires et de dolomies datées du Précambrien (formation de Damara). La présence de ces roches est une condition sine qua non au développement de cavités de grande ampleur mais aussi à une évolution karstique dont nous connaissons bien les caractéristiques. Des grottes et des gouffres ont pu constituer des pièges naturels capables d’enregistrer à la fois des informations paléontologiques mais aussi paléoenvironnementales (nature des sédiments détritique, concrétions de calcite, restes végétaux…).

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Premiers contacts avec les Aha Hills ((c) Laurent Bruxelles)
Aha Hills VE 18 - 5m
Image satellite des Aha Hills, base de la reconnaissance de terrain. La bordure droite de l’image est la frontière avec le Botswana.

Il faut également, au point de vue géomorphologique, que ces grottes existent déjà à l’époque qui nous intéresse. Or, d’après nos connaissances de l’histoire géologique de l’Afrique australe, ces cavités sont très anciennes et préexistent largement. De même, en fonction de l’histoire géomorphologique, il faut que ces cavités n’aient pas été ultérieurement vidangées de leur remplissage. Nous avons choisi ce secteur de collines, peu élevée, et situées à l’extrême amont du réseau hydrographique. Ce contexte de faible dynamique et d’évolution morphologique lente est le plus favorable à la conservation des anciens remplissages karstiques et à la préservation des fossiles.

ImpressionEnfin, les références bibliographiques, essentiellement sur la partie botswanaise de ces karst, confirment tout l’intérêt de ce secteur au point de vue paléontologique, paléoanthropologique et archéologique. En effet, les travaux de Martin Pickford (MNHN et Collège de France, membre de notre équipe) ont montré, sur la base de l’étude de la faune, la présence de dépôts plio-pléistocènes (Pickford et Mein 1988, Pickford 1990, Pickford et al. 1994). Dans le même massif que celui que nous comptons étudier, mais côté botswanais, des brèches correspondant à des remplissages de cavités décapités ont été trouvées dans les collines de !Ncumsa. Elles ont livré de la faune mais aussi des outils de quartz et de quartzites, possiblement associés à la présence de restes d’Hominidés pendant le Plio-Pléistocène. En outre, dans les collines de Gcwihaba toutes proches, de la microfaune a été étudiée (Pickford et Mein 1988). Son analyse a montré qu’elle est comparable à celle connue dans le site de Makapansgat, en Afrique du Sud, connu pour avoir révélé de nombreux restes d’Hominidés dont des australopithèques parmi les plus anciens connus à ce jour en Afrique australe. Deux espèces de rongeurs en particulier ressemblent très fortement à celles du site de Makapansgat et l’une d’elle a même été identifiée dans le membre 4 du site de Sterkfontein (Afrique du Sud) sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années. La corrélation de la faune de ce site avec celle connue en Afrique de l’Est ainsi que la réalisation d’analyses paléomagnétiques situent ce remplissage entre 3 et 3,3 Ma. (Mc Fadden et al. 1979, Delson 1984).

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Les collines du coté du Botswana ((c) Marc Jarry).
Fossil papio cranium from !Ncumtsa (Koanaka) Hills, western Ngam
Papio Hamadryas Botswamae, un babouin vivant il y a plus de 3 millions d’années dans les !Ncumsa Hills, au nord est du Botswana, extensions des orientales des Aha Hills (d’après Williams et al. 2012).

Sur la base d’une réinterprétation de la séquence de Sterkfontein en 2002 (Berger et al 2002), la fourchette chronologique a été élargie par Williams et al. (2012) entre 1,5 et 3 Ma. Cependant, nos résultats récents (Bruxelles et al. 2014a, Granger et al. soumis) et nos travaux en cours sur le membre 4 de Sterkfontein remettent en cause les interprétations de Berger et al. (2002) qui rajeunissent à 1,5 Ma la séquence de Sterkfontein et notamment du membre 4. Nous avons maintenant de solides arguments scientifiques pour pouvoir affirmer que ces niveaux sont plus proches de 3 Ma. Enfin, lors de la reprise des études dans les !Ncumsa Hills (Williams et al. 2002), la découverte d’un crâne fossile de Papio par cette équipe donne une datation supérieure ou égale à 317 +/- 114 ka, ce qui laisse le champ des possibles assez ouvert.

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Botswana, partie orientale des Aha Hills, Gcwihaba Cavern ((c) Marc Jarry).

La méthodologie

Il s’agit d’explorer un secteur quasiment vierge de recherches paléontologiques et archéologiques. Quelques cavités sont connues mais il n’y a pas eu de prospection systématique et d’étude des remplissages karstiques.

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Premières prospections dans les Aha Hills le long de la frontière Namibie/Botswana. Cette frontière permet de pénétrer au cœur des collines qui restent très difficiles d’accès ((c) Laurent Bruxelles).

Nous débuterons par une première reconnaissance des indices karstiques les plus évidents. Ceci permettra d’en déduire les caractéristiques les plus courantes concernant la présence de cavités et leur histoire géologique. Puis, sur la base de ces observations, nous définirons des secteurs plus réduits mais où nous réaliserons des prospections systématiques. Chaque indice karstique de surface, chaque cavité, mais aussi tous les affleurements de brèche ou de calcite seront inventoriés, caractérisés et cartographiés. L’intervention d’un topographe, nous permettra d’obtenir une cartographie précise des zones prospectée et la mise en place d’un Système d’Information Géographique où toutes les informations seront systématiquement reportées. Plusieurs d’entre-nous étant spéléologue, nous visiterons également les cavités afin d’en comprendre l’histoire mais aussi d’en étudier les remplissages, qu’ils soient fossilifères ou non.

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Propection à pied dans les Aha Hills ((c) Laurent Bruxelles).

Lorsque des gisements paléontologiques seront découverts, les différents paléontologues de l’équipe pourront donner une première estimation de leur ancienneté. Ces données seront évidemment confrontées à l’histoire géologique et géomorphologique de ces karsts. Au besoin, nous bénéficions de collaborations déjà établies avec des laboratoires pouvant réaliser différents types de datations (CEREGE, PrimeLab, LSCE) et situer chronologiquement ces dépôts. Enfin, lorsque des remplissages karstiques présenteront des caractéristiques convergentes pouvant permettre la découverte de vestiges d’hominidés anciens, des demandes de sondages puis de fouille seront déposées.

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Exploration fin 2015 des grottes de Gam au sud des Aha Hills. Leur formation s’avère trop récente pour nos problématiques ((c) Laurent Bruxelles).

Le choix de l’équipe

On perçoit bien ici tout l’intérêt d’une approche interdisciplinaire mais aussi inter-sites comme nous souhaitons la mener entre l’Afrique du Sud et la Namibie. Les comparaisons fauniques, les informations paléoenvironnementales et les calages chronologiques se complètent et peuvent permettre, à terme, de préciser ce canevas encore imprécis. L’équipe de recherche doit donc compter des chercheurs reconnus dans les différentes disciplines impliquées dans ce projet de recherche. Ces chercheurs, dont la plupart travaillent régulièrement ensemble, doivent non seulement avoir une bonne connaissance de ces contextes mais aussi une solide expérience du contexte africain.

L’équipe

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Les perspectives de ce projet de recherche

Ce projet a débuté par une mission exploratoire en 2015 afin de consolider les contacts avec nos collègues namibiens, de mettre en place tous les aspects logistiques et de réaliser une première reconnaissance du terrain.

• Les carnets de 2015

Les enjeux sont de taille. Nous sommes assurés de trouver des cavités et des formations bréchiques fossilifères. Notre expérience dans les différentes disciplines impliquées et la collaboration avec plusieurs laboratoires de datation (PrimeLab (Purdue University, Illinois), CEREGE (Aix-en-Provence), LSCE (Gif-sur-Yvette) permettront de situer chronologiquement les découvertes et d’orienter rapidement la poursuite de nos recherches. L’objectif est de découvrir de nouveaux sites à Hominidés et donc de compléter nos connaissances sur l’évolution humaine. A terme, il serait alors possible de montrer qu’ici aussi, nous sommes dans un « berceau de l’Humanité »…

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Observation des brèches à la recherche de fossiles ((c) Marc Jarry).

Notre approche n’a pas uniquement pour ambition d’identifier un nouveau « berceau de l’Humanité ». Les découvertes que nous réaliserons permettront de démontrer que la notion de « berceau », unique ou multiple, n’est qu’une perception biaisée par les conditions taphonomiques. Les différentes zones fossilifères ne correspondent en réalité qu’aux contextes géomorphologiques les plus favorables pour la préservation des vestiges anciens. Partout ailleurs, l’érosion ou la sédimentation en ont effacé les traces. Des corrélations biochronologiques solides pourront alors être tentées entre la Namibie et l’Afrique du Sud et permettront peut-être de montrer que c’est l’Afrique, dans sa quasi-intégralité, qui est le berceau de l’Humanité.

Enfin, il sera possible d’identifier de nouveaux secteurs répondant aux caractéristiques géologiques, géomorphologiques et paléoenvironnementales compatibles avec la présence de vestiges d’Hominidés. De nouveaux sites potentiels peuvent ainsi être localisés et constituer les prolongements de cette mission.

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Conditions classiques de prospection dans les Aha Hills : une végétation très dense et agressive et une présence animale à redouter (reptiles, arachnides, fauves, éléphants…) ((c) Marc Jarry).

Perspectives de valorisation

Cette mission est le prolongement de travaux de recherche interdisciplinaires que nous menons déjà en Afrique du Sud. Il s’agit ici, d’exporter un savoir faire et notamment une approche interdisciplinaire bien rodée où tous les aspects sont pris en charge par un ou plusieurs spécialistes. Cette interdisciplinarité, et notamment la présence systématique d’un géoarchéologue, est une spécificité française reconnue. C’est pour combler cette lacune que l’équipe de Sterkfontein nous a contacté en 2006 afin de remettre en cohérence la stratigraphie de ces sites avec les vestiges paléontologiques et archéologiques. Ce savoir-faire y est reconnu et la thèse de Dominic Stratford (Université du Witwatersrand, Johannesburg) a largement hérité de cet apport. En Namibie, notre spécificité est également valorisée et diffusée. Tout en participant à ce projet de recherche, un des intérêts sera de développer ces approches interdisciplinaires avec nos collègues namibiens qui, comme en Afrique du Sud, pourraient faire école.

Si les découvertes répondent à nos attentes, la Namibie, jusque-là peu connue sur le plan de la Paléoanthropologie, entrera de plein pied dans le cercle restreint des régions du Monde permettant de documenter l’évolution de l’Homme. Au même titre que l’Afrique du Sud, dont nos publications récentes (Bruxelles et al. 2014a, Granger et al. soumis et bien d’autres en cours) démontrent l’ancienneté des fossiles, cette région pourrait concurrencer les sites d’Afrique de l’Est, bien datée mais dont les fossiles n’ont pas la qualité de ceux préservés dans les karsts d’Afrique australe. Si notre équipe, parvient à ce résultat d’envergure, la recherche française, déjà largement reconnue en Afrique du Sud, deviendra un partenaire scientifique privilégié en Namibie.

• Les carnets de missions

• Les ressources documentaires

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