La grotte du Mas d’Azil

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Une longue histoire…

ImpressionLes recherches dans la grotte du Mas d’Azil sont menées depuis plus de 150 ans. Cette cavité ariégeoise, avec sa rivière qui la traverse, est un phénomène géologique exceptionnel par ses dimensions (une route départementale longe le cours d’eau) et la complexité de son réseau souterrain. Dans l’histoire de la discipline préhistorique, elle est au cœur de la structuration des cultures de la fin du Paléolithique, du Magdalénien et bien sûr de l’Azilien. Le Magdalénien y a livré un important matériel, comportant des objets d’art mobilier parmi les plus beaux de la préhistoire européenne. L’art pariétal y est aussi présent avec de nombreuses œuvres gravées et peintes. Pour l’ensemble de ces raisons, cette grotte est classée Monument Historique depuis 1942.

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Dessin à la mine de plomb de Cervini Melling « voyage pittoresque Pyrénées françaises » 1826-1830. Vue de la grotte avant la construction de la route ((c) Bibliothèque municipale de Toulouse, G. Boussière).

L’élément important pour la connaissance du passé de la grotte et celui qui déclenchera l’engouement pour la Préhistoire dans la grotte, est la construction de la route à partir des années 1850.

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Plan de l’ingénieur Rickey des Ponts et Chaussées, travail comparatif autour de trois possibilités d’aménagement (d’après archives départementales de l’Ariège).

Une première voie très proche de l’Arize, trop proche sans doute, fut emportée quelques années après par la crue de 1875 et reconstruite ensuite, cette fois-ci surélevée et éloignée davantage du cours d’eau. Un tunnel artificiel à la base de l’arche gigantesque de l’entrée sud sera creusé. Lors de ces différentes étapes d’aménagement de la chaussée (entre 1853 et 1877), dont le tracé va suivre et surplomber de plusieurs mètres le lit de la rivière, il faut aller chercher des terres plus hautes sur la rive droite. Les travaux de terrassement furent à l’origine des premières découvertes d’ossements anciens par l’abbé Pouech, Édouard Filhol et le docteur Félix Garrigou. Ces savants, qui étaient avant tout des géologues, firent aussi quelques fouilles, mais de faible ampleur. Un peu plus tard, les gisements archéologiques de la rive gauche furent signalés par Félix Regnault et Tibule Ladevèze lors de la reconstruction de la route. Le potentiel archéologique commence à être connu et attise la convoitise des collectionneurs. Les rivalités sont vives entre notables régionaux et chercheurs locaux.

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Edouard Piette ((c)Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse)

Ces rivalités vont prendre de l’ampleur avec l’arrivée en 1887 d’un fouilleur d’envergure nationale. Édouard Piette (1827-1906) est alors un savant reconnu en France pour ses travaux dans les grottes pyrénéennes de Gourdan et Lortet (1871-1875) qui lui avaient apportés de nombreuses œuvres d’art préhistoriques et lui avaient permis de constituer une collection déjà très riche. Fort de sa réputation, Piette, disposant d’une fortune personnelle, va affronter les collectionneurs locaux, tentant de préserver ses « concessions » dans la grotte. La grotte connaît alors sa consécration quand Édouard Piette fait exécuter des fouilles importantes sur la rive droite dans ce qu’il appelait « la caverne d’amont » qui comprenait deux étages : la galerie inférieure (aujourd’hui Salle Piette) et la salle supérieure (Rotonde). Il y met au jour une véritable moisson d’œuvres d’art mobilier sur os et bois de renne. Ces occupations de la rive droite sont sans doute contemporaines ; c’est du moins une des conclusions que l’on peut tirer de l’homogénéité du matériel et de trois datations obtenues sur des échantillons d’os de la Salle Piette et de la Galerie des Silex, plus tard explorée par les époux Péquart. Dès 1889, Piette va également entreprendre des fouilles sur la rive gauche qui le conduiront à identifier la présence d’une culture intermédiaire entre la fin du Magdalénien et le Néolithique, qu’il baptise Azilien, des ensembles supérieurs étant quant à eux attribués à l’Arizien, que l’on reconnaîtra plus tard comme appartenant au Mésolithique.pages XXX - frises chrono V03 vert 13
Vers la fin de sa vie, Piette encouragea le jeune Henri Breuil (1877-1961), qu’il jugeait à juste titre promis à un brillant avenir, à travailler au Mas d’Azil. Breuil prolongea les fouilles de Piette sur les deux rives, découvrit les premières gravures pariétales en 1902 mais ne s’investit pas plus avant dans l’étude générale du site. Il en fut de même pour deux des grands préhistoriens de l’époque, Emile Cartailhac et Henri Bégouën. Le comte Bégouën et ses fils firent quelques fouilles et surtout découvrirent en 1912 l’un des ensembles pariétaux les plus conséquents dans le vestibule de ce qui sera plus tard la Galerie Breuil.

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Joseph Mandement

Joseph Mandement (1876-1958) a parcouru, aménagé et exploré le réseau de galeries de la rive droite pendant plus de deux décennies (1936-1958). On lui doit de belles découvertes comme la seconde partie de la Galerie Breuil en 1937, la Galerie des Ours et enfin celle des Silex. C’est lui aussi qui mit au jour en 1948 un crâne humain isolé, attribué au Magdalénien, dans le secteur de la salle Piette (Galerie du crâne).

Venus pour fouiller l’Azilien sur la rive gauche, à la suite de leurs travaux sur le Mésolithique du Morbihan, Marthe et Saint-Just Péquart vont s’attacher à cet objectif à partir de 1937 ; mais ils seront rapidement déçus car une faible part des couches aziliennes a échappé à leurs prédécesseurs. Les Péquart y travaillèrent en 1935-37. Ils reconnurent trois couches magdaléniennes en rive gauche (A, B, C) séparées par des niveaux stériles de 1,20 m à 2 m d’épaisseur. Ils les fouillent sur 60 m² et près de 5 m de stratigraphie. Sur la rive droite de l’Arize, ils auront la chance de fouiller entre 1938 et 1942 les couches magdaléniennes de la toute nouvelle Galerie des Silex que vient de découvrir Mandement. Les meilleures informations que nous ayons sur un habitat de la rive droite sont issues de ces travaux. Cette longue galerie (68 m) mais assez étroite (2 à 4 m) décrit une courbe marquée. Au Magdalénien, l’une des entrées, la plus spacieuse, était obturée par un bouchon de limons, ce qui rendait l’atmosphère plus agréable en supprimant les courants d’air (sensibles dans la galerie aujourd’hui). La couche archéologique atteignait 40 à 60 cm d’épaisseur ; les fouilleurs déduisirent que si les premiers arrivants circulaient dans leur habitat en se courbant (1 m à 1,20 m seulement entre la voûte et le plancher rocheux), les derniers Magdaléniens devaient être fréquemment à genoux ou accroupis. Leur intervention démontra également, sous le Magdalénien et sous des limons stériles, la présence résiduelle de traces aurignaciennes. L’ensemble du matériel archéologique issu des fouilles Péquart, dont la plupart des pièces d’art mobilier, fut acquit plus tard par la commune du Mas d’Azil, qui en assure, la présentation au public dans le cadre de son Musée de Préhistoire à partir de 1981.

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Entre 1960 et 1970, André Alteirac, conservateur du musée, fit des fouilles dans la galerie dîte du Crâne (« crée » par Mandement, et qui occupe le fond de la salle Piette) pour chercher  d’éventuels compléments. Au cours de ces travaux, il découvrit « des sédiments riches en matériel provenant des anciennes fouilles effectuées par Piette dans le secteur. » (Alteirac et Bahn 1982 : 108). Il interviendra également dans la Galerie des Silex puis, plus ponctuellement, en rive gauche.

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Vue du porche sud de la grotte du Mas d’Azil en hiver ((c) Marc Jarry)

Géologie, géomorphologie et géoarchéologie

Cette cavité est localisée dans les Pyrénées centrales, en avant du chevauchement frontal nord-pyrénéen. Les séries plissées calcaires et marneuses crétacées à éocènes ont été déformées lors de l’orogénèse pyrénéenne, principalement à la fin de l’Eocène. Cette zone est structurée en une succession de plis anticlinaux et synclinaux dissymétriques orientés suivant un axe WNW-ESE. Du fait de cette structure tectonique où alternent des roches dures et des roches tendres, les cours d’eau descendant des Pyrénées, et donc globalement orientés nord-sud du fait de la pente générale, ont un tracé en baïonnette. Sur certains tronçons de leur cours, ils longent l’axe des plis dans les formations meubles, formant des vallées relativement larges. Puis, ils franchissent les terrains les plus compétents par des cluses ou par des percées hydrogéologiques après un virage à angle droit.

Carte géol MNT

L’Arize, le cours d’eau qui traverse la grotte du Mas d’Azil, descend donc des Pyrénées et s’écoule en direction du Nord. Elle franchit la barre de calcaires crétacés par l’ouest, là où elle est la moins bien exprimée (terminaison périsynclinale). Puis la rivière d’eau butte contre les calcaires Nankin (Eocène) du synclinal du Plantaurel. Elle prend alors une direction ouest-est en exploitant les marnes de Plagne afin de contourner par l’est cette structure armée de roches dures. Elle en traverse son extrémité orientale par une ancienne cluse aujourd’hui matérialisée par le Col de Baudet. À ce niveau, on retrouve de grosses quantités de galets originaires de l’Arize qui montrent bien qu’il s’agit ici de l’ancien lit du cours d’eau. Ce col, qui entaille les calcaires thanétiens, domine aujourd’hui très largement les paysages alentours. Ce dispositif résulte d’une inversion de relief, notamment par l’érosion des marnes crétacées affleurants très largement sur tout le pourtour oriental et méridional du synclinal. Cette dépression qui contourne le massif du Plantaurel peut laisser penser à un ancien cours de l’Arize qui aurait fait le tour des calcaires éocènes. En fait, il n’en est rien : cette morphologie s’est développée secondairement, par érosion différentielle, après que l’Arize ait emprunté le cours souterrain que nous lui connaissons aujourd’hui. Le tracé actuel de l’Arize ne résulte donc pas d’un recoupement de méandre mais plutôt d’une auto-capture. La percée hydrogéologique actuelle suit, à peu de choses près, l’ancien tracé du cours aérien de l’Arize, une soixantaine de mètres plus bas. De fait, une partie de son ancienne vallée est restée perchée, témoignant de son cours aérien aujourd’hui fossile. Nous n’excluons pas cependant que ce col a pu être réutilisé au gré de des fluctuations du niveau de l’Arize enregistrés dans la grotte.

Pourquoi revenir au Mas d’Azil ?

À l’issue le l’historique des recherches antérieures réalisées dans cette cavité prestigieuse et des premiers résultats réalisés ponctuellement, lors d’opérations d’archéologie préventive, il nous est apparu comme une évidence que l’immense réseau de galeries de la grotte du Mas d’Azil, mais aussi le massif dans son ensemble, n’avaient pas encore livré tous leurs secrets.

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Diagnostic archéologique avant la construction du bâtiment d’accueil dans la grotte en rive droite. Cet emplacement a révélé des occupations aurignaciennes jusqu’alors très peu documentées dans cette cavité (photographie d’après (c) Olivier Dayrens / Inrap).

Un programme pluridisciplinaire

En partant du constat, un projet de prospection thématique pluriannuel a été proposé en 2013 et s’est prolongé jusqu’à 2017. Il a pris la forme, en 2018, d’un programme collectif de recherches trisannuel : « Archives d’une grotte : des archives paléoenvironnementales et archéologiques paléolithiques aux archives de fouilles (grotte du Mas d’Azil, Ariège) ».

Ce programme propose de pouvoir disposer, à terme :

– d’une cartographie générale de la grotte et de ses remplissages ;

– comprendre l’histoire et caler chronologiquement les étapes de sa formation puis de son évolution ;

– évaluer le potentiel des niveaux archéologiques encore présents dans le monument.

Ces objectifs ont été déclinés en trois axes de recherche, eux-mêmes décomposés en ateliers.

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Sondage archéologique dans un secteur de la rive droite où sont préservés des vestiges de niveaux magdaléniens ((c) Marc Jarry).

La réflexion et le croisement des données que propose ce programme, devraient aboutir, si les recherches continuent à être aussi fructueuses, à un renouvellement conséquent de notre vision de cette célèbre grotte.La présente opération constituera une nouvelle base sur laquelle s’appuiera cette remise en perspective les collections issues des différentes fouilles. De même, notre opération de terrain s’alimentera des avancées réalisées au sein de ce programme, bénéficiant par là même de toutes les compétences des chercheurs qui le constitue. In fine, ces deux approches complémentaires et bien identifiées, aboutiront à une meilleure compréhension des modalités d’occupation de ce célèbre site archéologique, sur lesquelles beaucoup restent manifestement à dire.

Méthodologie

Afin de parvenir à l’aboutissement, des trois objectifs du présent programme de prospection thématique, défini supra, nous avons proposés trois axes de travail :

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Le majestueux porche sur de la grotte du Mas d’Azil (cliché (c) Marc Jarry / Inrap, Traces, G&A)

Axe 1 – Cartographie générale de la cavité

Axe 2 – Géomorphologie et géoarchéologie

Axe 3 – Archéologie

Chacun de ces axes étant ensuite décliné en « actions », qui peuvent bien sûr subir quelques petites modulations en fonction de l’avancée des travaux, mais dont la réalisation, suivant des rythmes certes quelquefois différents au cours de ces quatre années, sera facilement évaluable. Ces « actions » (ou ateliers) constituant ainsi des « engagements » à réaliser dans le temps imparti (cf. tableau de suivi en conclusion du présent rapport).

Axe 1 – Cartographie générale de la cavité :

Action 1-A : acquisition et recalage des données anciennes ƒ

Action 1-B : collecte de données topographiques complémentaires

Action 1-C : constitution de la base topographique principale

Action 1-D : cartographie détaillée de la cavité

Action 1-E : topographie de la surface

Action 1-F : cartographie de la surface

Axe 2 – Géomorphologie et géoarchéologie :

Action 2-A : description morphokarstique de la grotte

Action 2-B : Les remplissages karstiques et leurs interprétations

Action 2-C : chronologie relative et datation des dépôts

Action 2-D : mise en place de la cavité

Axe 3 –Archéologie :

Action 3-A : caractérisation archéologique des remplissages et des formations superficielles

Action 3-B : évaluation complémentaire des niveaux archéologiques du secteur Théâtre/Rotonde

Action 3-C : évaluation complémentaire des niveaux archéologiques de la salle Piette

Action 3-D : évaluation des niveaux de la galerie des ours/salle Mandement

Action 3-E : évaluation des niveaux archéologiques de la Rive Gauche de l’Arize

Action 3-F : croisement des données avec les approches géoarchéologiques

Action 3-G : croisement général des données

Localisation

Région : Midi-Pyrénées

Département : Ariège (09)

Commune : Le Mas d’Azil

Adresse ou lieu-dit : Grotte du Mas d’Azil

Coordonnées géographiques et altimétriques selon le système national de référence Lambert 93 CC 43 :

X : 1566,091 km, Y : 2208,984 km, Z : 325 m NGF

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