Les cupules au Paléolithique : expression artistique ou négatif de coquillage ?

Depuis quelques semaines nous accueillons Oriane Brun en tant que service civique au sein de l’association. Dans le cadre de ses missions scientifiques et de médiation, elle vous raconte son sujet de recherche basé sur l’occupation humaine dans l’Hérault durant le Paléolithique supérieur.

Cupules du Paléolithique moyen du site de Darakhi-Chattan, Inde (Krishna & Kumar, 2016)

Son sujet de recherche : Comprendre les activités fonctionnelles du site de plein air de Régismont-le-Haut (Hérault) et de ces habitants aurignaciens, à travers l’étude des « blocs à cupule », c’est-à-dire des blocs comprenant des petites dépressions hémisphériques ou semi-hémisphériques pouvant autant être naturelles que faites par l’Homme. Ce phénomène est très commun depuis le Paléolithique supérieur jusqu’à nos jours et à travers tout les continents occupés par l’Homme. Oriane essaye de pister et de comprendre l’engagement humain à travers ces artefacts, soit l’action et l’intentionnalité porté sur ces objets, les choix exprimés entre intention, gestes et support, des personnes qui martelaient les rochers et le substrat rocheux.

Vue de la fouille archéologique, secteur S75 de Régismont-le-haut. (Bon et al., 2017)
© F. Bon

Le site de Régismont-le-Haut est situé dans le Midi de la France, dans une petite commune nommée Poilhes (Hérault). Découvert en 1961 par André Bouscaras, ce site est une des rares stations de plein air aurignaciennes (42 000 cal BP et 33 000 cal BP ) connues du sud de la France et l’unique site de plein air aurignacien abritant des blocs à cupules, ce qui souligne l’intérêt du site et son caractère exceptionnel. Il est connu également pour avoir conservé des traces bien définies de l’espace d’habitation ainsi que ses aires d’activités. De nombreuses campagnes de fouilles sont réalisées depuis 2000 par François Bon et Romain Mensan. Ce site est un campement saisonnier d’un petit groupe de chasseurs-cueilleurs qui s’y sont établis après avoir abattu un ou plusieurs animaux de grosse taille tel qu’un bison. Différentes activités ont lieu sur ce site que se soit la taille de silex, la confection d’outils, le tannage des peaux avec la matière colorantes etc.

Le bison aux cupules, de la grotte de Niaux, Ariège, France
© Sites touristiques Ariège – E. Demoulin
Pierre à cupules – Abri de la Ferrassie (Savignac-de-Miremont, Dordogne)
Époque aurignacienne (vers -30 000 ans)
© MNP, P. Jugie

Pour en revenir à nos cupules, on en distingue deux types : les cupules naturels dû à l’érosion ou aux enlèvements de fossiles et les cupules dites anthropique ou archéologique qui ont donc été créées par l’Homme sur des supports variés et dans différentes inclinaisons. Au Paléolithique supérieur elles sont exclusivement connues pour apparaître sur paroi dans des grottes ou abris-sous-roche en paire, en nappes ou en ligne et sont souvent associés à des peintures ou gravures, elles possèdent donc une fonction graphique.

« Boa game » ou « board game » créé avec des cupules au Kenya vers 1500 BC

Puis au Néolithique, au Moyen Âge et jusqu’à nos jours leur nombre et leur apparition se multiplient et leurs usages varient. Les cupules, par la suite, sont utilisées à des fins ludiques, utilitaires ou encore rituels. Les cupules de Régismont-le-Haut diffèrent de ce qui fut retrouvé jusqu’à présent à cette période puisqu’elles sont retrouvées à l’horizontale sur de grandes dalles de calcaire et au sein d’un site d’abattage, soit un site plutôt éloigné des traditionnels sites où furent retrouvés de l’expression graphique.

Détails d’une cupule du site de Régismont-le-Haut par photogrammétrie. © Oriane Brun

La reconstitution nécessite donc une étude pluridisciplinaire alliant archéologie, paléo-ethnographie et géomorphologie afin de comprendre la nature de ces objets, leur origine, leur composition et leur fonctionnement. Il est difficile d’appréhender la vie quotidienne de nos ancêtres mais la vie des chasseurs-cueilleurs d’aujourd’hui nous permet d’accéder à d’autres types de sociétés plus susceptibles d’être comparées aux sociétés du passé sans pour autant être projetée dans le passé. Elle nous permet cependant de comprendre les interactions sociales pour certaines des conditions dont on pense qu’elles ont été celles de nos ancêtres et permet donc de faire émerger des hypothèses. Avec la direction de Camille Bourdier et François Bon, Oriane analyse le support, la morphologie de ces blocs et de ces cupules, et leurs agencements. Pour ensuite comparer tous ces éléments avec les sources littéraires et archéologiques mais également avec des blocs naturels provenant de la même source géologique. Ainsi est-ce que les aurignaciens de ce campement ont récupéré ces blocs avec les cupules déjà présentes ? Ou les ont-ils réalisés eux-mêmes ? Ou encore est-ce simplement des enlèvements de fossile qui aurait pu être retravaillé ? Puis est-ce que ces cupules sont le résultat d’une expression graphique ou ont-elles été utilisées à des fins utilitaires en lien avec les activités présentes sur le site de Régismont-le-Haut ? Toutes ces questions nécessitent que l’étude se poursuive à travers une étude expérimentale afin de vérifier les hypothèses et comprendre les gestes et techniques utilisées.

Cupules de Régismont-le-Haut (c) Oriane Brun

Pour aller plus loin…

https://www.academia.edu/12805835/Cupules

http://www.rockart.scot/about-rock-art/rock-art-of-britain-and-ireland/

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